J'ai rêvé ...
J'étais dans une salle en pierres grises et suintantes, recouvertes par endroit d'un peu de mousse, cet endroit était grand, spatieux, à plafond haut, on aurait dit un temple, d'ailleurs, il y avait un autel en pierre gravée d'étranges symboles, avec quelques fleurs fanées, et de vieux bijoux en or ternis par le temps. Ancien, très ancien comme endroit.
Je me souviens que je n'étais pas seule. Il y avait d'autres personnes avec moi. Des elfes, et d'autres créatures fantastiques, certaines avec des ailes, une peau colorée ou des cheveux blancs, munis d'étranges armes. L'on surgissait d'une autre salle par une sorte d'arcade ronde. Il y avait là une vieille femme avec un bâton long, fin et très souple, un regard mauvais, récitant des incantations dans une langue étrange et mélodieuse.
Je crois avoir vu les autres courrir en tous sens pour empâler et se battre contre des sortes de goules de pierre et des loups de terre boueuse. Au milieu de tout ce tapage, elle me fixait, je prenais alors une sorte de baguette en bamboo, semblable à la sienne et je m'avançais vers elle, chantant les mêmes mots, avec la même profondeur et la même voix claire ... L'on pointait nos baguettes l'une en direction de l'autre comme pour se battre à l'escrime ou lancer un sort. Elle ferma les yeux, et me barra le chemin vers une autre arcade de pierre ... je changeais de chant.
Je récitais autre chose. Je ne sais quoi. Toujours dans cette même langue, et dos à l'autel, je la voyais pâlir, les yeux fermés, reculer de douleur et suffoquer. Un elfe aux cheveux d'or, les yeux bleus comme le ciel au coucher du soleil arriva et lui trancha la gorge d'un coup sec. Il me cria d'y "aller".
Ce sont mes jambes qui m'ont guidé. Je suis passée à travers cet autre arcade ronde et me retrouvais devant un paysage désolant. Je marchais sur un pont en rondins de bois pour m'avancer à l'intérieur de ce qui semblait une sorte d'ancien temple maya transformé en marécages. Des ruines ... les ruines d'anciens lieux soutenaient le pont de part et d'autres ... Il n'y avait pas de soleil, pas de lune, le ciel était gris et sombre, nuageux et tourmenté.
Je savais dans ces ruines sous le pont, d'autres créatures mythiques retenues prisonnières. D'autres elfes, d'autres étranges êtres, des licornes et des chevaux ailés aussi. Mais je ne sais pas, soudain un torrent s'est déversé depuis le haut des murs en pierres, noyant l'endroit sous une eau claire, froide mais sombre. L'eau agitée de remous s'évacuait dans une sorte de grotte souterraine, et toujours mouvante, il semblait que toute l'eau de cet autre monde venait se déverser à tout jamais ici.
C'était je crois, le genre d'eau à vous déchirer les entrailles, à vous donner comme une nouvelle vie s'il vous arrivait d'en boire. Je m'essayais au bout du pont et trempais mes pieds dans l'eau froide pendant que les autres arrivaient. Je sais que l'elfe aux cheveux d'or a plongé pour trouver les prisonniers et les libérer.
Pendant un court instant, tout le monde semblait en deuil, affolé, paniqué ... je remarquais alors à côté de moi deux trous dans le pont pour que l'eau mouvante puisse jaillir dans deux sphères en cristal. Je voyais des plantes y pousser avec une sorte de noeux en tissus blanc et pâle à la place des racines et des bulles remonter et faire grandir la jeune pousse à une vitesse incroyable.
J'arrachais le plant et le sortait de l'eau. Au contact de l'air, le noeud de tissus implosait en des milliers de bulles de terre et d'air, pendant que les feuilles d'un vert chatoyant s'ouvraient et que les fleurs s'épanouissaient à très grande vitesse. Je lançais ces plantes, ça et là, et des arbres, de la mousse, des lianes poussèrent petit à petit dans cet endroit, qui maintenant ressemblait à un jardin de mystères. J'arrachais une autre plante, et la déchirais, tendant les miettes à une petite fille pour qu'elle les sème à son tour. Mais elle trouvait l'endroit triste.
J'arrachais une sorte de chardon blanc du bocal, la tenant dans mes mains et imaginant où je voulais qu'il apparaisse des fleurs. Un instant plus tard la plante dans mes mains avait totalement disparue, dissoute par magie, et je voyais alors dans ces ruines, de minuscules fleurs blanches. Il y en avait partout, et à juste mesure, de quoi seulement rendre l'endroit paisible et agréable.
Levant les yeux au ciel, je voyais la galaxie, l'univers tourner doucement sur lui même en un frôlement de petites taches sombres et de couleurs ... Tout donnait le vertige. Le coeur sur un petit nuage, tout le monde retourna sur ses pas, et franchi l'arcade en pierre. Je me retournais pour voir l'elfe aux cheveux d'or grimper sur le pont, les remous soudain de l'eau m'indiquant que les autres prisonniers le suivaient. Il tourna vers moi ses yeux de nuit ...
... et je me réveillais.