On peut ne pas comprendre.
Pour ma part, je sais que ce qu'on pouvait me dire, je n'en avais rien à faire. Ou presque.
« C'est la preuve que t'es faible ! »
« Si tu recommences, c'est plus la peine, je ne te parlerais plus »
Tu souris. Ils ne comprennent pas. Tu as un peu peur d'être seule, alors tu leur promets que tu ne le feras plus. Ou tu prétextes « je sais pas ce qui m'a prit », « j'ai pas eu conscience de ce que je faisais » et dans le pire des cas, tu avoues : « mais je me sentais pas bien, j'avais besoin de le faire ! ».
Et toujours cette phrase, à moitié vraie, à moitié fausse : « je suis désolée ».
Parfois les regrets sincères. Parfois un peu de rancune.
« Pourquoi ils ne comprennent pas ? A moi, ça m'a fait du bien ... »
Quand on pense être au fond, qu'en a-t-on à faire d'être faible ? On l'est. On ne se l'avoue pas, mais c'est une évidence. Parfois même, on se sent plus fort, parce que personne autour de nous ne le fais. Personne ne souffre comme nous. On se sent unique. Et parfois même plus fort d'oser.
Je me rappelle maintenant.
Le sentiment d'avoir envie de me vider. De vomir ce trop plein de vie. De me dire : tu seras plus belle, tu seras plus belle ! De voir mes os saillants ...
De me trancher la peau.
Mais voilà, d'avoir peur aussi. De ne plus se sentir capable de continuer. De ne plus avoir envie de vivre cette guerre.
Je n'ai plus envie. Le vide. Les larmes. La fatigue. Le désespoir. La mort ...
Se la souhaiter.
La supplier.
Se lacerer les bras en sachant que ça ne suffit pas. C'est marrant ... sur le coup tu ne sens rien ... alors tu tranches, tu repasses dessus, tu fais des croix ... avec un cuter, on dirait que tu as des milliers d'aiguilles dans la peau ... cela t'a demandé de la haine, et une certaine force que tu puises en toi sans savoir qu'elle n'est jamais tarrie. Vide, larmes aux joues, larmes de colère, de haine, de tristesse, de rancoeur, de dégoût ... la douleur. Enfin.
Cela te démange, te brûle ... saigne un peu. Tu admires. Que c'est apaisant ! Voir ton mal extériorisé, voir ton mal intérieur. Le voir !
C'était ça l'important. Puis les plaies refermées, tu passes un long doigt blanchâtre et décharné sur des marques fines et brunes ... et quand la haine, la douleur, ou tout autre sentiment dépressiable te prend, tu repasses par dessus une lame droite et froide. Tu ne t'arrêtes plus.
C'est un peu comme une drogue. C'est un peu vouloir que ça se voit. C'est un peu se dire : « vois comme tu souffres ! Voyez tous comme je souffre ! ». Mais vu qu'on le sait, on y pense pas vraiment. Tout ce qu'on sait c'est que ça fait du bien. C'est une sorte d'échapatoire. Et puis on a un peu honte. Enfin pour ma part, j'avais honte. Je ne voulais pas les montrer à certaines personnes, parce que je ne voulais pas leur faire du mal. Je savais bien que c'était une erreur. Mais quelqu'un avait-il un autre remède ?
Quand plus personne au fond ne veut vous écouter, parce que votre folie approche leur esprit d'un peu trop près, quand sans cesse les personnes concernés mentent et montent une image innocente et parfaite contre vous, qu'ils trouvent toujours le moyen de vous faire culpabiliser, qu'ils disent toujours dans votre dos ce que d'autres entendent et vous répètent ensuite. Dans ces cas là, y'a plus qu'à se pendre. C'est un cercle vicieux. Mêlé de manipulation, de mensonges ... une volonté de vouloir vous ignorer jusqu'au bout, de vous faire vous sentir totalement inexistante. Ou au contraire vous adresser des paroles ou des regards qui disent d'une façon déroutante qu'ils pensent n'avoir rien à vous dire, n'avoir rien à se reprocher, n'avoir rien à voir avec toute cette histoire.
Alors qu'au fond ... ils savent bien ... et d'ailleurs même tout le monde sait. Mais personne ne dit rien. Personne n'ose y mettre son nez, ou alors prennent partie pour ceux qui apparemment sont heureux. Ils ne prennent pas la tête, eux !
Et les seuls qui veulent encore s'approcher de toi sont les premiers à recevoir critiques, jugements, insultes, coups bas, moqueries ... qui voudrait souffrir pour pouvoir approcher la bête noire ?
Très peu. Pratiquement personne. Et même quand tu vois ce que les autres doivent subir pour te cotoyer ... tu renonces. Tu te détournes d'eux. Tu ne veux faire souffrir personne hormis ceux qui t'ont plongé dans cet état et s'en foutent littéralement que tu existes encore ou pas. Tu te refermes sur toi-même, tu ne sais plus à qui faire confiance. Tu ne sais plus qui parle dans ton dos. Tu ne sais plus à qui tu peux te confier car tu les entends plus loin répéter tes anciennes paroles et s'en moquer. Te tourner au ridicule.
Alors au fond se scarifier était pour moi une manière de penser à autre chose. Ou de marquer les jours d'une cicatrice.